Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/124

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comme de la peste ; car, dans le temps que je m’enflais à la pensée de la statue qu’on me voulait dédier et de l’honneur qu’on me faisait en me donnant place parmi les plus beaux esprits d’un siècle qui en compta de si grands, tout un parti se formait en Bretagne pour protester contre cet hommage et me renvoyer à… vos Provençaux.


Comment ! me direz-vous, les Bretons ne veulent plus de votre statue ? — Ils n’en veulent plus ou, du moins, il n’y en a que quatre ou cinq qui en veulent et qui ne sont point, je vous l’accorde, les premiers Bretons venus, puisque j’aperçois parmi eux nos beaux neveux des Nétumières, le bon et brave comte de Traissan, M. René Brice et un poète que je n’ai point lu, mais dont M. Boissier m’assure qu’il n’est point sans mérite : M. Tiercelin. Mais les autres, ma chère enfant, ils sont après moi comme des enragés. Ils disent que j’ai insulté leur province, que ce serait une honte, tout simplement, qu’on m’y rendît un hommage public et qu’après les avoir traités de lâches, de coquins et d’ivrognes, je n’ai que faire chez eux et que ma place est partout ailleurs, à Grignan, à Livry, à Carnavalet, sauf en Bretagne et à Vitré.

Mon Dieu, ma fille, je suis bien punie de quelques phrases malicieuses qui me sont échappées sur nos Bretons ; je ne les savais pas si chatouilleux sur le point d’honneur et pouvais-je me douter enfin qu’on ferait un recueil de ma correspondance et qu’on y imprimerait tout vifs les badinages que je vous adressais ? Il faut bien rire quelquefois. Et ces badinages m’étaient sortis de l’esprit. Heureusement j’ai trouvé ici un exemplaire de mes Lettres et cela m’a donné l’envie de rechercher les passages qu’on m’impute