Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/127

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sa situation ? Enfin notre grande héritière ( j’entends la duchesse Anne) ne méritait-elle pas bien que son contrat de mariage fût fidèlement exécuté ? »

Voilà comme je parlais, et ce langage semblait d’une sorte à me concilier les sympathies des Bretons qui font, en ce temps-ci profession de régionalisme. Le mot n’était point courant du notre, non plus que réciproquer, mais la chose n’est point nouvelle. J’ai été régionaliste avant MM. de l’U. R. B.[1] qui me font cette guerre de Turc à More, Pouvais-je davantage, et n’est-ce point se jouer du monde de me chanter pouilles pour n’avoir point montré de tendresse aux rebelles qui pillaient la maltôte, incendiaient les châteaux, massacraient les gentilhommes et voulaient ouvrir Saint-Malo à la flotte de M. Ruyter ? Mais qu’on me cite un seul des nobles de Bretagne, je dis un, qui n’ait pas pensé comme moi et souhaité la ruine des mutins ! On ne le saurait, parce qu’il n’en est point. Et il faut bien qu’on change d’antienne. « Soit ! me concèdent MM. de U. R. B., nous vous tenons quitte de n’avoir point pactisé avec les Bonnets-Bleus ; mais, quand l’insurrection a été réprimée, était-il bien à vous de plaisanter et de faire des gorges chaudes de ces malheureux qu’on rouait et qu’on écartelait et qu’on branchait en si grand nombre que les arbres faillirent manquer aux exécuteurs ? »

M’en suis-je moquée, ma fille ? Ai-je vraiment eu ce courage ? Et je voudrais donc qu’on me dise où. Toutes les fois que je parle d’eux, c’est pour les appeler « nos pauvres Bretons ». L’épithète ne marque point tant d’insensibilité. Et vous, ma belle, qui

  1. L’Union Régionaliste Bretonne, qui protestait contre l’érection de la statue (Note de l’édit.).