Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/139

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Le 24 décembre, vigile de Noël ! Ce jour-là, s’ils avaient reçu le don de prophétie, les petits chercheurs de la part à Dieu qui s’en allaient de porte en porte, sur les routes de Bretagne, pour « annoncer la bonne nouvelle », auraient pu annoncer aussi que, pareil à son divin Maître et guère plus riche que lui, dans une humble chaumière du Trégor, le roi des bardes était né.

À quel moment vint-il se fixer sur les rives du Jaudy, au pied de cette éminence rocheuse qui porte en breton le nom de Crec’h-Suliet ?

On ne le sait trop.

Suliet dérive du verbe sula (rôtir, flamber), et c’est une épithète tout à fait appropriée à cette face orientale des berges de la rivière de Tréguier, qui reçoit et semble absorber dans son sol calciné, presque rouge, les ardeurs d’un soleil qu’on qualifierait volontiers aujourd’hui de tropical : Crec’h-Suliet équivaut en somme à notre français Côte-Rôtie [1]. C’est, présentement, un hameau de cinq ou six feux, échelonnés sur le flanc gauche d’un petit chemin raboteux qui conduit obliquement de Kero-

  1. Comme d’habitude, le nom de Crech-Suliet est estropié sur la carte de l’État-Major et sur celle des chemins vicinaux et y devient Crech-Feuille. Cette déformation s’explique cependant par le fait que, sur le plan cadastral (carte générale), Crec’h-Suliet est appelée déjà Crec’h-Feuillet. Sur la carte détaillée (section B, dite section de Saint-Laurent), nous nous rapprochons du nom véritable : Crec’h-Feuillet s’y change en Crec’h-Suliet (sic). J’ajoute que la commune de Plouguiel est divisée administrativement en quatre sections ; Crech-Suliet fait partie de celle de Saint-Laurent (appelée aussi section de la Roche-Jaune).