Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/21

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cras, demain, demain, vous réfléchissiez qu’un tel récit ne suffit peut-être pas à lui seul pour ébranler l’imagination, mais que, s’il vient se placer dans une série de faits qui l’éclairent et l’appuient, il peut nous orienter, nous aider « à prendre le vrai point de vue. »

Une série de faits du même genre, on la reconstituerait assez difficilement, j’en ai peur, dans la Lorraine d’aujourd’hui, desséchée de rationalisme, mais dans les pays de pure race celtique, en Irlande, en Écosse, en Bretagne, rien ne serait plus aisé : ces morts vaguant par les routes, ces processions de trépassés y sont quasi de toutes les nuits et il n’est que d’avoir le sourcil dessiné d’une certaine façon pour les apercevoir — ou l’oreille assez fine, quand ils ne courent pas encore les champs, pour surprendre leur rumeur souterraine. L’auteur anonyme qui rédigeait au XIe siècle la Chronique de Nantes raconte qu’un habitant des faubourgs de cette ville rentrait chez lui au soir tombant et, comme il traversait le cimetière de Saint-Cyr, il se prit, en cheminant à travers les tombes, à faire, en son cœur, commémoration des défunts. Et un murmure lent et sourd, puis suffisamment distinct, monta autour de lui. C’étaient, sous forme de répons, les voix des trépassés qui bourdonnaient : Amen ! Amen ![1] Prototype des histoires d’outre-tombe qui emplissent les livres de nos folkloristes et dont on composerait toute une bibliothèque. Mais qui eût pensé jamais que ces contes de nourrice pussent à ce point passionner le père de Petite-Secousse et de Bougie-Rose et que, non seulement dans cette préface déjà ancienne à la Ville enchantée, mais hier encore, dans une lettre

  1. V. l’Histoire de Bretagne, de M. du Cleuzion.