Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/20

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tune injuste, je vois fleurir, sur une tige saxonne, une pensée celtique, une de ces imaginations populaires qui nous viennent du lointain des âges et dont j’ai moi-même souvent éprouvé la puissance. »

Vous songiez, je pense, dans cette finale, à certain « conte inédit » paru sous votre signature quelque deux années avant la publication de la Ville enchantée et qui s’appelait : le Réveil des morts au village. Pour des raisons que je crois deviner vous ne l’avez point recueilli en volume. Si ce n’est pas tout à fait le thème de la Ville enchantée, c’en est un si voisin pourtant que, n’étaient les dates, on dirait une réminiscence. Mais non. Le bon curé lorrain de qui vous teniez cette histoire, l’abbé P…, n’est pas un personnage imaginaire : c’est lui qui a mené, près des sept témoins de l’événement, l’enquête dont vous n’avez fait que résumer les conclusions. Et ces sept témoins, interrogés à part et confrontés ensuite, se trouvèrent tous d’accord pour certifier qu’à Lignéville, la nuit de la fête du village, où ils s’étaient attardés un peu plus que de raison, ils furent pris en rentrant chez eux dans un remous de foule « aux bizarres costumes » que les corps les plus opaques n’arrêtaient pas, qui les traversait comme le rayon lunaire traverse la vitre, qui ne semblait rien voir ni rien entendre et qui se dirigeait en silence vers l’église voisine : c’étaient des trépassés et très probablement, d’après l’abbé P…, les morts mêmes de la paroisse, à l’intention desquels c’est la coutume en Lorraine, comme en Bretagne, de célébrer une messe de requiem le lendemain de la fête patronale. Et le récit achevé, revenant vers Charmes à travers une région plus aride, plus épuisée que jamais, sans autre bruit que le croassement des corbeaux jetant sur la campagne leur sinistre avertissement : Cras,