son uniforme de soldat contre son ancienne chupen de Kernévote, s’il invite sa « douce » à saisir une paire de ciseaux pour lui couper les moustaches et le rendre un peu plus semblable à un pacifique laboureur, il ajoute, non sans une pointe de fierté :
« Tu ris, espiègle ! Eh bien, oui, je les regrette : elles sentent encore la poudre ; elles ont été gelées ; elles ont été roussies, mais jamais raccourcies par personne. »
À la bonne heure, et l’on peut être sûr que le Breton qui parle ainsi, sans emphase, sans fla-fla, a bien fait son devoir de Français. La fameuse chanson patoise du Conscrit de Saint-Pol :
J’suis né natif du Finistère :
À Saint-Pol, j’ai reçu le jour.
Mon pays est l’plus biau d’la terre,
Mon clocher l’plus haut d’alentour,
cette chanson-là, aussi indigente de forme que de
fond et qu’on a donnée quelquefois comme le chant
national des Bretons, n’est qu’une ineptie de café-concert
totalement inconnue des conscrits de la Basse-Bretagne,
surtout de ceux de Saint-Pol-de-Léon,
qui ne jargonnent pas le gallot. Les sentiments
qu’elle exprime sont si écœurants qu’on croirait lire
du Monthéus. Ce ranz des lâches n’a jamais déshonoré
une lèvre léonarde ou kernévote ; mais je
crois bien qu’il n’est pas une seule de nos recrues
qui n’ait soupiré au départ pour le régiment et entonné
au retour le Kimiad et le Distro de Prosper
Proux[1].
- ↑ Il convient d’ajouter que la plupart des gens qui fredonnent Le Conscrit de Saint-Pol n’en connaissent que l’air et le premier couplet. C’est une excuse. Je défie un patriote d’aller jusqu’au bout de cette ignoble rapsodie antimilitariste dont la vogue reste pour moi inexplicable, étant donnée l’époque où elle fut lancée.