Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/222

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de tous nos conscrits et mettaient des larmes dans les yeux de toutes les mères bretonnes. C’est que personne n’avait traduit en strophes plus belles de simplicité, plus exemptes de toute vaine rhétorique, le déchirement des cœurs à la pensée de quitter le sol natal, « la chaumière coiffée de genêt » au bord du chemin creux, le coin de l’âtre, les objets et les êtres familiers.

« Que de fois vous pleurerez, ma mère, quand mon chien anxieux viendra solliciter vos caresses, quand vous verrez, au foyer, mon escabelle vide et l’araignée ourdissant sa trame autour de mon penbaz de chêne ! — Adieu, cimetière de ma paroisse, terre sacrée qui recouvrez les restes de mes parents appelés par le Sauveur ! Au jour de la Fête des Âmes, je n’irai plus sur vos tombes verser l’eau bénite mêlée à mes larmes. — Adieu, ma plus aimée, ma douce Marie…, adieu, Mindu, mon pauvre chien : nous n’irons plus sur la rosée chercher la piste du lièvre. Adieu tous mes plaisirs ! »

Je ne prétends point que cette élégie soit bien entraînante. Mais quoi ! c’est une élégie, non une Marseillaise ni un Chant du Départ. En 1866, nul ennemi ne menaçait nos frontières. On pouvait s’attendrir sur le foyer quitté sans passer pour un mauvais Français. La note guerrière ou même simplement patriotique qui manque au Kimiad, Prosper Proux la réservait pour une autre occasion, et, en effet, dans une pièce qui fait suite ou plutôt pendant à la précédente et qui s’appelle Distro ar zoudard e Breiz (Le retour du soldat en Bretagne), le ton est très différent et notre conscrit, qui a « payé sa dette à la loi », n’est pas très loin de s’applaudir d’avoir dû quitter ses bruyères pour servir la patrie. L’épreuve a été bonne en somme : s’il troque avec joie