Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/229

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ni si imminents surtout que le donnait à croire Quellien.

Les écrivains bretons ont toujours aimé à porter de ces pronostics funèbres sur leur pays. Il y a une douceur secrète et mêlée d’orgueil à se dire qu’on est le dernier représentant, la fleur suprême, d’une race vouée à une disparition prochaine. Chateaubriand annonçait déjà, sous Louis-Philippe, la fin de la Bretagne, où il n’avait pas remis le pied depuis l’émigration ; Souvestre, vers 1860, intitulait ses curieuses monographies : Les Derniers Bretons ; un peu plus tard, Paul Féval donnait comme sous-titre à son Châteaupauvre : « Voyage au dernier pays breton ». Et je ne parle pas de Renan qui, dans ses Souvenirs d’enfance, enterre avec l’onction et l’élégance qu’on sait la Bretagne et la foi bretonne. Ici donc encore, Quellien ne faisait que se conformer à une tradition presque constante chez ses prédécesseurs et qui n’est pas près d’être abandonnée. Ce rôle d’appariteur funèbre pour nationalité agonisante, avec toutes les belles phrases et la hautaine mélancolie d’attitude qu’il comporte, est un des plus tentants qui soient. Mais il est rassurant de penser, pour l’avenir de la race bretonne, que Chateaubriand, Souvestre, Féval, Renan et Quellien lui-même sont morts — et qu’il y a toujours une Bretagne.

L’illusion cependant était permise à Quellien plus qu’à tout autre, parce qu’il vivait loin de son pays ou n’y faisait que de très rares visites estivales. Il pouvait s’abuser ainsi en toute sincérité sur le déclin de la race celtique ; étranger au mouvement de renaissance littéraire qui commençait à travailler la péninsule, il aimait à se dire et à signer « le dernier des bardes ». Gabriel Vicaire, qui fut son ami,