Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/232

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çaise, mais au Breton bretonnant que la Roche-Derrien dédie aujourd’hui un médaillon. Il n’y a pas de villette plus curieuse que cette Roche-Derrien qui fut une des bastilles de l’Anglais en Bretagne et que Duguesclin lui ravit : sur les berges vaseuses de son fleuve, de grandes maisons branlantes en torchis et en planches losangées abritaient sous leurs toits pointus des tribus entières de chiffonniers nomades, vivant pêle-mêle avec leurs chiens, leurs chats, leur volaille et leur vermine. On avait dû fabriquer ces demeures préhistoriques avec les épaves de l’arche de Noé. Mais les stoupers qui campaient là avaient beaucoup vu au cours de leurs pérégrinations et pas mal retenu. C’étaient des conteurs et des chanteurs incomparables, bien que d’une verve un peu gauloise. Ils furent les premiers maîtres du barde, qui se souvint toujours de leurs leçons.

Il en reçut d’autres, plus tard, à Paris, qui ne les valaient pas, bien qu’elles tombassent d’une bouche plus raffinée. Professeur dans une petite institution de la rive gauche, Quellien y avait connu Bourget et Brunetière et, par eux peut-être, était entré dans l’intimité de Renan. L’illustre philosophe, à l’apogée de sa gloire, accepta de présenter au public les vers bretons de son jeune compatriote.

Ainsi, grâce à vous, lui écrivait-il, dans une Lettre-Préface, notre cher pays de Tréguier aura son poète ; et les chants que avez au cœur, c’est dans notre vieille langue bretonne que vous voulez les dire d’abord. Vous avez bien raison. La poésie est chose du passé ; il est des temps où mieux valent les morts que les vivants, et ceux qui ont un pied dans la tombe que ceux qui naissent. Un idiome a toujours assez vécu quand il a été aimé et que de bonnes études philologiques ont fixé son image pour la science, comme un fait désormais indestructible de l’histoire de l’humanité. Les poètes et les philologues m’apparaissent