Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/237

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l’épargna ; mais, à l’attaque du plateau d’Auvours, le 11 janvier, quand Gougeard prit la tête de la colonne d’assaut au cri d’« En avant, pour Dieu et la patrie ! », dans le corps à corps qui suivit la charge, une balle frappa Le Gonidec à l’épaule qui en demeura longtemps paralysée.

Ce fut la fin de sa carrière de soldat, mais non de sa vie militante, car l’arrondissement de Vitré l’envoya peu après à la Chambre et, à chaque renouvellement de l’assemblée, il fut réélu sans concurrent. Cette constance du suffrage universel à son endroit aurait pu lui enfler le cœur, s’il s’était fait une idée plus transcendante de son mérite — et de celui de ses collègues.

— On s’est moqué de nos rois, se plaisait-il à dire, qui, par grâce d’état, savaient tout sans avoir rien appris. Mais le miracle se renouvelle chez nous, périodiquement, pour cinq ou six cents élus du suffrage universel qui ne savaient rien la veille de leur élection et qui, le lendemain, connaissent tout, le passé, le présent, le futur et même le paulo post futur, comme le bachelier de Salamanque…

Ce n’était point son cas, quoi qu’il en soit, et, plus il avançait dans la vie, plus il disait qu’il avait à apprendre. Je ne sais pas ce qu’il valait comme orateur et je ne sais même pas s’il fut orateur : du moins n’ai-je souvenir d’aucun débat où il soit intervenu à la tribune. Mais quel causeur charmant il faisait ! Quel esprit averti, délicat et plein de tact ! Ce doyen des représentants bretons, qu’auraient dû gâter trente années de parlementarisme, je l’ai entendu, chez Paul Sébillot, présenter les plus justes et les plus fines remarques critiques sur le texte d’un manifeste qu’on nous soumettait. L’auteur de ce texte y avait employé le mot « constituer », si lourd, si