Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/247

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style, volontairement dépouillé, n’a pour fonction que de servir et d’éclairer la vérité. C’est un esclave, non un tyran. Mais sa nudité n’est point sécheresse. Et jamais style, dans sa sobriété, ne fut plus français que celui-là. Et enfin ce style sait sourire. Mme  d’Habloville cite, comme un modèle de critique enjouée et pénétrante tout à la fois, l’article que Mgr Duchesne publia, en 1882, sur l’Ecclésiaste de Renan. Le pastiche est des plus réussis, en effet, et M. André Thérive lui-même n’eût pas mieux fait. Ah ! dame, vous savez, quand les Bretons se mêlent de faire la leçon aux Bretons…

« C’est moi, Renan (Ernest), qui suis l’auteur du Kohéleth. La métempsychose n’est pas une fable vaine. Avant d’être professeur d’hébreu au collège de France et d’épigramme au palais Mazarin, avant même de gouverner l’Empire roman sous le nom de Marc-Aurèle, j’ai été professeur à Jérusalem… Je demeurai sur le chemin des jardins du roi, comme qui dirait[1] les Champs-Elysées de Jérusalem… Des terrasses de ma villa, je pouvais voir, chaque matin, fumer l’autel du Temple… Les cavaliers de la cour du roi Hyrcan distrayaient mes regards. Parfois je les laissais errer plus loin, sur les tombeaux épars dans la vallée de Josaphat. Toutes ces contemplations et certaines expériences d’une vie déjà longue engendraient en moi une sorte de mélancolie sceptique ; las de porter le poids de mes pensées, je finis par m’en décharger sur un rouleau de parchemin que l’on trouva longtemps après ma mort, dans le coin de quelque secrétaire. Un rabbin, complaisant, mais un peu myope, déclara le livre inspiré et

  1. Tournure tout de même un peu trop vulgaire dans cette bouche raffinée.