Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans sa verve quelques traits du vieil Arouet. Dans sa physionomie peut-être, dans le plissement de son œil malicieux et dans ses lèvres minces d’où, comme d’un arc tendu, partait le mot acéré, mais la qualité de ce mot, l’humanisme de cette verve faisait plutôt songer à Erasme dont le portrait — le seul avec celui de Mommsen — décorait son cabinet du palais Farnèse. Je crois bien qu’après la guerre, Mommsen disparut, mais Erasme resta. Et cet Erasme, en effet, sceptique et croyant, téméraire et circonspect, brouillé avec Luther, comme Mgr Duchesne avec Renan, mais qui trouve le moyen de se concilier les bonnes grâces du pape Léon X et du schismatique Henri VIII, ressemble par tant de côtés à notre prélat !

Nulle duplicité là-dedans et aussi bien les hommes de ce type sont assez fréquents chez les Bretons, race d’éternels louvoyeurs qui ne détestent rien tant que le vent arrière et préfèrent à la ligne droite, facile et sans danger, les bordées aventureuses dans toutes les directions. La grande adresse de Mgr Duchesne — et peut-être sa plus grande jouissance — fut de naviguer toute sa vie sous le pavillon de l’Église dans les eaux du libre-examen, sans amener son pavillon et sans renoncer — pour tout ce qui n’était pas le dogme — aux principes du libre-examen. Je dois dire pourtant qu’une petite aventure personnelle ne laissa pas de m’inspirer certains doutes sur la sûreté de son information : il avait parlé de moi au bon éditeur Honoré Champion comme d’un de ses élèves (du temps où il enseignait à l’institution Saint-Vincent de Rennes) ; il ajoutait même — sympathiquement : « C’était un fameux cancre. » Ayant eu plus tard l’occasion d’entrer en rapports avec lui, je ne crus pas devoir l’encoura-