Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/25

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génie, et qui n’aimait pas d’ailleurs les écrivains de votre famille, vous reprocha certain passé antérieur subversif qui m’avait échappé : où il fallait eusse, je crois, nous avions laissé imprimer eus. Grossier solécisme ! J’en portai la peine en perdant votre confiance, mais d’autres me remplacèrent, comme Henry Bremond, qui surent la mériter jusqu’au bout.

De ce long commerce avec vos manuscrits, j’ai du moins retenu combien, pareil une fois de plus à René, bien qu’inapte encore à l’apparente liaison des idées et déconcertant le lecteur par vos raccourcis pascaliens, les tournants brusques de votre raisonnement, vous aviez souci de la cadence de vos phrases et par quelle gymnastique incessante, quels continuels exercices d’assouplissement, vous atteigniez à la perfection de ces divines vocalises. « Se méfier de l’em… universel et tâcher de prendre goût à mes conceptions avant de trop raturer », cette rude maxime de vie littéraire jetée en marge de vos brouillons de l’époque, un jour d’énervement où la séance avait été particulièrement laborieuse, vous ne l’avez jamais observée, même pour vos articles de journaux, et il n’en est point (j’entends de ceux que vous avez jugés dignes d’être recueillis en volume), qui ne portent la trace de corrections nombreuses et presque toujours heureuses, de surcharges qui en étendaient ou en dégageaient lumineusement le sens. Vous pratiquiez déjà, en cet été de 1886, ces probes méthodes de travail ; vous ne cessiez d’amender le texte de votre livre. Et l’impression profonde que vous avait faite ce premier contact avec la terre et la mer bretonnes passa dans vos retouches de Landrellec : car c’est là, j’imagine, sous la lampe, au bruit de la marée qui s’insinuait dans les chenaux sablon-