Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/24

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note, deux tout au plus, et qui ne savent qu’appeler ou gémir : seuls les oiseaux des sillons et des bois ont reçu du ciel la grâce de la mélodie. Tout est symbole à qui sait voir et entendre… Allez, Barrès, c’est là que vous avez appris comment le silence, les grands espaces solitaires, les longues files indéterminées des peupliers se transforment naturellement en prières dans une âme ; c’est là, ô aspirant mystagogue, ô Faust adolescent, que vous avez pris, mieux que chez Guaita, votre première leçon d’ésotérisme appliqué. Il y a des solitudes ailleurs ; là c’est la solitude même et l’âme y est en tête-à-tête avec le mystère ; elle est sur le seuil du grand Secret ; elle peut s’en détourner par la suite : elle gardera toujours sur elle la brûlure de ce vent de ténèbres ; elle gardera toujours l’ébranlement de ce « vertige du passé » qui, avant vous, avait saisi Michelet à la pointe du Raz…

Et que disais-je, qu’aucune trace ou presque ne demeurait dans vos premiers livres de cet ébranlement ?

Dans la vaste chambre, pareille à un dortoir, de cette auberge de Landrellec où nous avions déposé nos sacs de route et pris pension pour quelques jours, je vous voyais le soir, de mon lit, qui liriez de votre valise le manuscrit de la monographie encore sans titre qui devait s’appeler Sous l’œil des Barbares et que Lemerre avait accepté d’éditer.

Il est rare que vous vous soyez contenté de votre premier jet ; je l’ai pu vérifier dans votre jeunesse, au temps où vous m’admettiez à l’honneur de revoir les épreuves de vos livres ; vous ne conçûtes de doute sur mon infaillibilité de grammairien que le jour où Lemaître, qui était resté professeur, même devant le