Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/253

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d’opinions différentes ? Les adversaires les plus irréductibles n’ont-ils pas intérêt à « mettre au-dessus de leurs divisions certains sentiments communs ? » Et, quand on est un Bersot, qui n’eut jamais d’autre passion que celle de la douceur, le profit ne se double-t-il pas d’un plaisir ?…

Voluptés délicates de l’éclectisme, de la conciliation des extrêmes, que vous êtes loin de nous ! M. Félix Hémon, qui vient de nous donner sur Bersot et ses amis une étude qu’on ne saurait mieux louer qu’en disant qu’elle aurait été digne de Bersot lui-même, n’a peut-être pas fait exprès de publier son livre en l’an de grâce 1911, au plein de cette crise des humanités qui met toutes les cervelles à l’envers. Il m’écrivait familièrement :

« Le livre que je vous ai envoyé et qui aura une suite, si je vis[1], est, comme dit l’autre, une pensée de jeunesse réalisée dans l’âge… plus que mûr. C’est à Bersot que je voulais, très jeune, dédier mon Buffon[2] : il n’a accepté qu’une ligne de souvenir pour l’Ecole Normale plus que pour lui. Il n’était plus là quand je dédiai à sa mémoire le La Rochefoucauld donné chez Lecène. J’avais cependant amassé des documents et, plus de trente ans après sa mort (vous voyez par là l’action persistante qu’il exerce sur nous), j’ai pu faire paraître un livre qui s’est fait lentement et presque tout seul, par apports successifs. Au reste, vous n’aurez pas de peine à en discerner l’esprit : Bersot est le libéral « en soi », avant de devenir, par son martyre héroïquement

  1. Félix Hémon est mort, comme on sait, sans avoir pu réaliser son ambition.
  2. Cet éloge de Buffon, premier livre de Félix Hémon, alors professeur au lycée de Rennes, obtint le grand prix d’éloquence à l’Académie française.