Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/254

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supporté, l’homme en soi… Le livre est peut-être une leçon, mais ne fait la leçon à personne. »

Je le veux bien, puisque M. Hémon le dit. Personne n’est visé dans son livre. Et, à la manière dont ce livre a été écrit, dont il s’est déposé, pour ainsi dire, chez son auteur, on ne peut douter en effet que celui-ci soit resté complètement étranger à de mesquines préoccupations individuelles. C’est le contraire d’un livre à clef. Rien n’y sent l’allusion. Imaginez pourtant ce livre publié il y a douze ou treize ans, eût-il provoqué les mêmes réflexions qu’aujourd’hui ? Y eut-on vu une leçon ? Bersot s’y fût-il accusé avec un égal relief ?

Évidemment non. L’Université de cette époque comptait encore trop de talents et de caractères formés à la même école pour qu’on aperçût au premier coup d’œil par quoi Bersot s’en distinguait. Ou du moins, s’il s’en distinguait, c’était seulement par le degré d’excellence auquel il avait porté, comme éducateur et comme écrivain, des qualités qu’on rencontrait chez la plupart de ses collègues. Il y a treize ans — avant l’Affaire, cette Affaire qui a pratiqué une coupure si profonde dans notre vie nationale et, chez certains même, dans leur vie morale — l’Université presque tout entière était libérale et spiritualiste, comme Bersot. On sait ce qu’elle est aujourd’hui, du moins dans la personne de ses dirigeants. Est-ce donc notre faute, si ce livre de M. Hémon, d’un ton si modéré, d’une langue si ferme et si fine, où les nuances sont si savamment observées et les opinions si délicatement ménagées, nous trouble à l’égard du plus sévère réquisitoire et si, ne voulant, avec l’auteur, que chercher des raisons de mieux admirer Bersot, nous en trouvons surtout de détester plus fortement ses successeurs ?