Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/269

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vérité si criante que tous s’y reconnurent ou crurent s’y reconnaître : Samuel Chapdelaine, l’infatigable pionnier travaillé du besoin « de mouver souvent, de pousser plus loin et toujours plus loin » pour se battre avec le bois, c’est le patron même de Louis Hémon, Samuel Bédard ; la mère Chapdelaine, c’est la courageuse Laura Bédard, sa femme ; Edwige Légaré, c’est Joseph Murray, dont le juron favori est : blasphème ; Lorenzo Surprenant, c’est Edouard Bédard, employé aux « États », dans les « facteries » ; Tit’Sèbe, le remmancheur, c’est Eusèbe Simard, dont on raconte des cures merveilleuses ; Eutrope Gagnon, c’est Eutrope Gaudrault, un jeune colon de Honfleur que Louis Hémon rencontra maintes fois à la veillée chez les Bédard ; Da’Bé et Tit’Bé sont les prénoms vaguement tonkinois de deux enfants d’Ernest Murray, le plus prochain voisin des Bédard ; il n’est pas jusqu’à François Paradis et Maria Chapdelaine qu’on ne veuille identifier, l’un avec François Lemieux, de Mistassini, un guide des acheteurs de pelleteries qui « s’écarta » un soir de grande neige et fut « trouvé mort gelé dans les bois de Chibogamou », l’autre avec « Mlle  Eva Bouchard » de Péribonka, jolie, saine et forte comme Maria et qui, jusqu’ici, comme Maria, « a toujours remis ses prétendants au printemps d’après ce printemps ».

Et sans doute plusieurs de ces rapprochements, de ces identifications, eussent fort étonné l’auteur qui n’avait pas prétendu écrire un livre à clef ; il a pu emprunter ici et là certains traits, certains noms, mais ses héros participent d’une vérité générale qui les hausse très au-dessus des personnages accidentels qu’on veut qu’il ait pris pour modèles. Tout au plus s’en est-il inspiré. Ce n’en est pas moins un bon signe que cette application du public à retrouver dans la