Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/280

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plie qu’il avait épousée[1], il faisait maigre le vendredi, comme Littré, qu’il rappelait par tant de côtés et qui fut, comme lui, une manière de saint laïque, de chrétien sans la Grâce. Il doit y avoir tout de même, dans le Paradis, un petit coin pour ces mécréants-là.

C’était surtout le plus sincère des hommes et qui sacrifia tout à ce qu’il croyait être la vérité. Vous savez le bruit que fit un de ses livres : l’Égoïsme, seule base de la Société et l’indignation qu’il provoqua dans les clans socialistes du haut enseignement. D’aucuns crièrent à la trahison parce qu’il n’avait pas respecté leur erreur. Cette erreur leur était chère et, comme Rachel qui ne voulait pas être consolée, ils ne voulaient pas être détrompés. Et ils le signifièrent à leur contradicteur en le confinant dans des postes secondaires, en lui refusant la titularisation…

Le Dantec souriait de ces mesquines représailles. Depuis longtemps sa santé était atteinte. Il se savait perdu, mais il ne se plaignait pas. L’une des dernières fois que je le vis dans son cher Ty-Plad où il se retrempait chaque année, car ce Breton ne pouvait se passer de sa Bretagne et c’était d’ailleurs un de nos plus remarquables celtisants, il me dit avec un accent que je ne lui connaissais pas et comme s’il parlait déjà de lui au passé :

— En somme, j’ai été un homme heureux. En trente ans de ma vie scientifique, je n’ai pas connu une heure de doute. J’ai joui, comme aucun homme n’en a peut-être joui, de toutes les découvertes de

  1. Mlle  Yvonne Legros, fille de la baronne Legros et l’une des amies les plus chères de l’admirable Élisabeth Leseur, dont une partie de la correspondance lui est adressée.