Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/279

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cette pourriture mortuaire. Mais ce rude noviciat décida de sa vocation : les problèmes de la vie et de la mort l’intéressèrent seuls désormais.

Nommé à son retour du Brésil maître de conférences à la Faculté de Lyon (1893), puis chargé du cours d’embryologie générale à la Sorbonne, il publia coup sur coup la Matière vivante, Théorie nouvelle de la vie, l’Unité dans l’être vivant, etc., etc. Tous ces livres se tenaient étroitement : c’étaient les pièces d’un vaste système philosophique qu’il construisait avec une hâte fiévreuse, le pressentiment très net de la brièveté de sa destinée. Que vaut ce système ? Félix Le Dantec, quoi qu’il en soit, est le premier qui ait appliqué à l’étude des êtres vivants les méthodes qui avaient servi jusque-là pour l’étude des corps bruts ; il se flattait d’être arrivé à raconter tous les phénomènes vitaux objectifs dans « le langage général de l’Équilibre ». Les étrangers le tenaient pour l’égal de Comte.

Sa pensée eût-elle évolué par la suite ? « Ayant aperçu les limites du connaissable, dit Gaston Deschamps, et libérée des bornes fatales de l’empirisme, peut-être eût-elle rencontré, dans une dialectique hardie, la pensée d’un Henri Poincaré, d’un Boutroux, d’un Bergson ? » Je ne le crois pas pour ma part. L’agnosticisme scientifique de Le Dantec n’avait fait que se fortifier avec l’âge. J’en parle en homme très détaché et qui, philosophiquement, habitait aux antipodes de l’auteur du Conflit. Mais ce libre-penseur véritable avait cette originalité de comprendre et d’accepter les formes de pensée qui lui étaient les plus étrangères. Il ne cherchait jamais, fût-ce dans son entourage, à imposer ses façons de voir ; il ne contrariait personne sur ses croyances et, par respect pour la chrétienne accom-