Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/302

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aux cloches de toutes ses paroisses pour sonner son glas. Ceux qui se battent pour lui, si loin de lui, le reconnaîtront-ils quand ils reviendront ? J’ai tenté du moins de retenir quelques-uns de ses aspects essentiels, tandis qu’il en était temps encore. »

Ainsi, sans qu’il le dise expressément, mais cela résulte de son titre et du soin même qu’il a pris de ne localiser aucune de ses actions, de n’individualiser aucun de ses personnages, c’est une œuvre de synthèse qu’a entendu faire Jean des Cognets ; c’est la Bretagne, ce sont des types bretons, c’est, lui aussi comme Changeur, la vie d’un Village idéal — d’un village du pays breton cependant — qu’il veut nous présenter dans un chapelet de récits qui soient des récits alertes, vivants, pittoresques, concrets, tout en se haussant au-dessus de l’accidentel et en conservant leur caractère général. Et, certes, je crois qu’il n’est pas resté inférieur à son ambition, si haute fût-elle. Malgré tout, il n’a pu s’abstraire si complètement de lui-même et de son clocher que quelque chose n’en ait passé dans son livre. « L’accent du pays où l’on est né, dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur comme dans le langage. » C’est cet « accent » qui dénonce l’homme de l’Argoat[1] qu’est plus spécialement Jean des Cognets ; né à Plounévez-Moédec, en pleine Cornouaille domnonéenne, c’est de Plounévez-Moédec qu’il a surtout vu la Bretagne. Comment l’a-t-il vue ? Je le dirai tout à l’heure. Et l’a-t-il vue comme elle est ou comme il la voulait voir ? Nous avons affaire ici, remarquez-le, non pas seulement à un rêveur, à un sentimental, à un poète, mais encore à

  1. Je rappelle qu’on divise assez souvent la Bretagne en Argoat (pays des bois) et en Armor (pays de la mer).