Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/319

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mail guérandais, vert écrin d’un des plus purs joyaux que nous ait légués la Féodalité, nous touchons à la Loire et à son grand emporium, Nantes-la-Superbe, qui tranche par sa richesse, son luxe, son heureux sens du commerce, sur la pauvre et triste Bretagne d’alentour.

— Les Bretons n’ont jamais eu de bonheur, aimait à dire le malicieux Paul Féval, excepté les Nantais pourtant, qui regardent où ils mettent le pied et sont les Normands de la Bretagne…

Saint-Nazaire, qui est l’avant-port de Nantes, serait donc un peu normand aussi, par alliance. À l’Ouest et au Nord, Paimpont regarde vers les âpres solitudes morbihannaises, la riante Cornouaille, le grave et charmant Trégor. C’est ici la Bretagne classique, si l’on peut dire, la Bretagne des « pardons », des calvaires, des binious, des menhirs, des korrigans, des clochers à jour, des vêtures pittoresques, la Bretagne bretonnante des vieux bardes, rhapsodes ambulants dont la rauque mélopée déchire l’air dans les assemblées, mais qui est aussi la Bretagne de Brizeux, de Hello, de Renan et de Le Braz, du français le plus musical qu’on ait parlé au XIXe siècle.

Et enfin, à l’Est, Paimpont est tout rennais et haut breton. Mais où commence exactement la Haute-Bretagne ? Là où manquent les fleuves et en l’absence d’un système orographique bien dessiné, c’est l’incertitude, le vague. Il ne faudrait pas juger, par exemple, la molle région ondulée, qui s’étend au-delà de Vitré sur la description un peu trop conventionnelle qu’en a donnée Balzac et qui ne s’applique qu’à la Pèlerine et à ses environs. Ce pays de transition, ce border est moins breton que ne le dit Balzac. Déjà pourtant, dans le vallonnement du sol, dans ces levées de terre, cernant les petites divisions agri-