Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/320

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coles et toutes hérissées de gros arbres ou de fascines d’ajoncs, dans ce perpétuel ruissellement d’eaux vives, de sources et de cascatelles, dans ces chemins encaissés où s’enliserait encore, pendant les pluies d’hiver et malgré les progrès de la voirie, le carosse de Mme de Sévigné qui eut là sa délicieuse retraite des Rochers, dans un air plus vif et comme imprégné de senteurs marines, dans tout un je ne sais quoi qui ne se peut définir et qui est particulier à ce pays, on respire, on sent la Bretagne.

On y entre réellement à Vitré.

La défense de la Bretagne à l’Est s’appuyait sur deux piliers qui passaient pour inébranlables : Fougères et Vitré. Ils flanquaient le seuil du haut pays, le bastionnaient vers la Normandie et le Maine. Ils ne sont plus que des curiosités archéologiques.

Mais on en chercherait vainement d’aussi bien conservées dans tout le reste de la Bretagne. Vitré surtout nous est parvenu presque intact. La ville n’a pas gardé qu’une moitié de son enceinte et la totalité de son imposant château fort de la Trémoille dont le châtelet, la courtine et les cinq tours d’angle aux noms pittoresques (la Montalifant, la tour des Archives, la tour Saint-Laurent, la tour de la Chapelle et la tour de l’Argenterie) font un cadre à souhait aux magnifiques logis seigneuriaux enfin dégagés et restitués dans leur état primitif : c’est encore dans ses rues et ses venelles, sauf aux abords de la gare, un véritable musée à ciel ouvert. Rue Baudrairie, rue Gatesel, rue Notre-Dame, rue Poterie, rue d’Embas, place du Marchix, carrefour Garengeot, ce ne sont que maisons à bardeaux et aux étages surplombants, pignons à boiseries sculptées, toits à épis, faîtages ajourés, statuettes, gargouilles, niches, tourelles, porches en ogive ou en plein cintre,