Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/355

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pour nous à l’exception d’une allusion à Kerario, le manoir des Clisson, et du passage, plus étendu, relatif à Penlan, le beau domaine seigneurial que l’Espagnol Calomnia d’Arembert légua par testament en 1225 (d’après Ogée) aux moines de Bégard et qui leur rapportait bon an mal an 4.000 écus.

Dans quelles conditions fut fait ce legs ? Benjamin Jollivet, qui, par parenthèse, eut certainement communication de la Statistique de l’abbé Le Luyer et s’en inspira largement dans sa notice sur Trébeurden, donne l’explication suivante empruntée à Le Luyer :

« Un jour — c’était vers le temps de l’Épiphanie — l’odorat de Raoul Calomnia, qui était vieux et aveugle, fut flatté par un fumet qui éveilla tout à coup son appétit. « Qu’y a-t-il donc aujourd’hui de nouveau ? demanda-t-il à son domestique. — On fête les Rois, répondit celui-ci. — Eh bien ! va dire qu’on m’apporte à dîner. » On ne lui apporta qu’une cuisse d’oie à demi rongée ! Justement indigné, il commanda à son valet de le conduire à Grâces, près Guingamp ; mais, chemin faisant, il entendit sonner la cloche du monastère de Bégard. Il y demanda l’hospitalité, et, satisfait de l’accueil qu’il y reçut, il déshérita au profit de l’abbaye d’ingrats neveux qui avaient rempli ses jours d’amertume ».

L’abbé Lavissière présente les choses d’une façon très différente, au moins dans sa seconde version. Et la première elle-même contient quelques détails qui sont absents du texte de Le Luyer, revu par Jollivet. Les neveux de Calomnia y sont remplacés par une fille — sa propre fille, qu’il aimait à la folie, comme Grallon aimait Dahut, et dont, père aussi faible que lui, il n’avait pas su refréner les désordres. Relégué dans un coin de son château de Penlan, il y était traité sans aucun égard. Certain soir, on lui servit à son souper un vieille (sorte de labre) si mal préparée qu’enfin la colère le prit et qu’il fit un testament par lequel il déshéritait sa fille et léguait tous ses biens et droits seigneuriaux aux moines de Bégard.

« Que devint sa fille ? ajoute l’abbé Lavissière. Personne n’en dit mot. Mourut-elle avant son père ? Se retira-t-elle du pays chez les parents de sa mère ? Il est certain que la communauté de Bégard reçut le tout par testament, et la fabrique de Trébeurden quatre cent livres de froment par fondation sur une des propriétés de Calomnia d’Arembert,