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ET NOS CIMETIÈRES ?



LETTRE OUVERTE À MAURICE BARRÈS.


Vous avez songé à nos églises, Barrès. Mais nos cimetières ? Ils auraient grand besoin pourtant que votre active et magnifique pitié se penchât sur eux. Ils sont menacés, eux aussi. On les sécularise, ici ; ailleurs on les déplace. Et les morts ne sont plus en sûreté chez nous.

C’est de Bretagne que je vous écris, et c’est à la Bretagne surtout que je pense. Chez vous peut-être les cimetières ne sont pas attenants aux églises. Et même ici, dans les villes, la séparation s’est consommée depuis longtemps : on y a relégué les morts en de lointaines banlieues. L’hygiène, dit-on, l’exigeait. Je n’en suis pas très sûr, me souvenant de ces cimetières gallois comme celui de Sainte Mary Church, à Cardiff, en plein quartier des affaires, où l’on n’enterre plus personne sans doute, mais dont on a respecté les vieilles tombes qui ne parlent pas en vain d’éternité. Ne pensez-vous pas que les Anglais soient d’aussi bons hygiénistes que nous ? Et si, de ce côté du détroit, les morts, dans les villes, ont été si souvent éloignés des vivants, n’est-ce pas plutôt qu’en consommant la séparation des deux ordres d’existence, en déplaçant les cimetières et en ôtant, sous couleur de salubrité, du champ de notre vision quotidienne ces perpétuels mémentos de la préca-