Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Plougastéloises aux coiffes blanches et aux vêtements bariolés que ces pêcheuses de Kerhorre, dont une demi-douzaine, qui ont pris place avec nous sur le bac, s’en vont pêcher les palourdes et les praires dans les anses de Saint-Adrien et de Saint-Gwénolé ? En noir des pieds à la tête, elles aggravent la sévérité de ce costume par le grand béguin de couleur sombre dont les pans retombent sur leurs épaules et qui leur donne un air monacal. Rudes femmes au demeurant, ces Kerhorraises, et qui ne boudaient pas à la besogne du temps où elles embarquaient pour la pêche du merlus et du maquereau. Bien qu’elles ne fussent pas inscrites sur les rôles, l’Administration tolérait leur présence à bord ; elles maniaient l’aviron et levaient les filets aussi dextrement que les hommes ; elles passaient avec eux toute la semaine en mer, rentrant le samedi et repartant le dimanche soir. « J’ai fait ce métier-là pendant quinze ans, me disait l’une d’elles. Il n’y avait pas d’offense entre honnêtes gens. La nuit venue, on mouillait, on abattait les mâts, on tendait une voile par dessus et l’on repartait à l’aube. » Aujourd’hui, les bateaux de Kerhorre, ces habitations flottantes que Pol de Courcy comparait à des jonques chinoises, n’ont plus que des équipages masculins, et le silence des beaux soirs d’été n’est plus interrompu par les chants alternés qui s’élevaient de leurs tentes.

Nous quittons nos pêcheuses au haut de la cale : le havenet sur l’épaule, elles embouquent lestement un sentier de traverse qui mène à Saint-Adrien.

— Le bonjour pour moi à saint Languy, nous jette la plus vieille qui n’est pas la moins alerte.

Ce petit saint d’allure inoffensive et que Rome a négligé d’inscrire dans son calendrier paraît être pour les Bretons un des synonymes du Destin. Il n’a