Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

non plus, je n’aurai pas fait une exception en votre faveur. Il n’est guère dans mes habitudes d’obliger les gens. Une fois n’est pas coutume. J’ai quelque vigueur dans les bras et, s’il vous convient, je la mets à votre disposition. Commandez : j’exécuterai.

— Et que voulez-vous que je vous commande ? dit la veuve d’un air détaché. Je n’ai pas de besoins ; j’ai de quoi élever mes enfants ; mes terres sont les meilleures de la paroisse… Ah ! pourtant si, puisque vous tenez tant à m’obliger, il y a un service que vous pourriez me rendre. Voyez-vous ces roches au milieu de mes champs ? Ce n’est pas qu’elles gâtent le paysage, mais elles tiennent bien de la place et j’aimerais autant les voir ailleurs.

— Rien de plus facile, dit Polik, qui mit bas incontinent sa chupenn et, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, transporta de l’autre côté de l’Elorn les énormes roches qui hérissaient autrefois, la rive droite.

Ce sont ces roches que nous avons devant nous et qui sont comme suspendues sur les coquettes maisons du Passage. Un éboulement général n’est point à craindre sans doute ; encore arrive-t-il qu’un bloc se détache et roule dans la grève… Le bac accoste. Nous remettons nos tickets au contrôleur et prenons pied en terre plougastéloise. Du même coup, nous entrons en Cornouaille, que l’Elorn sépare du Léon.

Cornouaille et Léon formaient jadis deux diocèses distincts. La Révolution les a fondus en un, avec Quimper pour siège ; mais, si elle les a fondus administrativement, elle n’a pu les fondre moralement et intellectuellement. Le Léon et la Cornouaille ont gardé leurs mœurs, dialectes et costumes respectifs. Quoi de plus différent, par exemple, des