Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/388

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çais, c’est-à-dire une langue essentiellement latine, dont les origines ne se trouvent ni à Bibracte ni à Quimper-Corentin, mais à Rome. Et c’est donc vers Rome qu’il faut nous tourner comme vers notre mère d’adoption et notre institutrice, puisqu’aussi bien nous serions singulièrement embarrassés d’aller chercher ailleurs, dans la cendre des dolmens, un enseignement qu’elle est impuissante à nous fournir.

Il ne nous est rien resté des Celtes que ce que nous ont transmis les écrivains grecs et latins. De cette civilisation brillante, mais stérile, nous n’avons hérité ni un poème, ni un monument, mais seulement quelques inscriptions, un calendrier, le souvenir

    qu’ait été la collecte, il s’en faut qu’elle soit close. Des surprises prochaines nous attendent, selon M. Camille Julian.

    « Regardez, dit-il, dans le livre de M. Dottin, l’ignorance en laquelle, au XVIe siècle, on vivait de la langue gauloise ; l’étonnement dans lequel, il y a moins d’un siècle, la découverte des premières inscriptions celtiques plongea nos plus anciens maîtres ; la surprise et la joie à moitié délirante où nous mit, il y a moins de vingt-cinq ans, le calendrier de Coligny ; la stupeur avec laquelle on accueillit, quelques années après, la tablette magique de Rom, la première inscription renfermant quelques phrases en langue celtique. Si le livre de M. Dottin avait été composé en 1880. il n’eût pas eu vingt pages. Il en a plus de deux cents, dont pas une n’est inutile. L’enrichissement rapide de nos connaissances nous fait présager de très glorieux lendemains. On peut dire que ce livre travaille surtout pour annoncer et hâter l’avenir. »

    Nous en acceptons l’augure. Nous voulons même bien avec M. Jullian — pour gratuite que soit l’hypothèse — qu’il y ait eu chez les Gaulois « l’équivalent de l’Iliade ou de la Genèse, des Atellanes ou des Odes de Pindare » et que la littérature de ce peuple ait été « aussi riche, plus riche même que celle de Rome avant Ennius » : notre argumentation ne s’en trouve nullement touchée et, dès lors qu’il s’agit d’une littérature orale, que personne n’a pris soin de recueillir, il y a toutes chances malheureusement pour que nous ne la connaissions jamais, donc pour que nous ne puissions pas en tirer un enseignement.