Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/392

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testé, il n’en est pas moins vrai qu’avant de lui permettre de le faire ouvertement nous avions dû par un lent travail nous prouver à nous-mêmes qu’il avait raison et que lui et nous cela ne faisait qu’un.

Ce sont les preuves qui nous ont servi pour cette rénovation que nous offrons aux Français d’aujourd’hui. Car nous savons que le français n’est pas une « langue essentiellement latine », nous savons que ses origines se trouvent en grande partie « à Bibracte » et dans toute la Gaule. La syntaxe française n’est aucunement latine. Nul ne le discute plus. Reste donc les mots. Il y a deux langues latines : le bas-latin et le latin littéraire. Le second Quintilien l’avait déjà remarqué, — et Quintilien n’était pas un celtomane — le latin classique a emprunté des mots très nombreux au gaulois. On ne trouvera pas, je pense, un philologue pour nier que le mot latin mare soit celtique ainsi que carpentum et d’innombrables autres. Admettons, si vous le voulez, que les mots latins semblables aux celtiques soient les frères de ces derniers et non leurs fils, il n’en reste pas moins ceci : dans des milliers de cas il y a eu, dans le parler des Gaulois soumis aux Romains, fusion entre le mot gaulois et le mot latin qui lui ressemblait. Comment peut-on trouver vraisemblable que les Celtes de Gaule aient pris au latin pour dire cent le mot centum, quand ils avaient chez eux centon ; qu’ils aient dit carus, quand leurs pères disaient caros ; qu’ils aient dit sapo, alors que les Celtes inventeurs du savon disaient sapon ; qu’ils aient dit mater en latin, puisque mater est aussi celtique ?

Il y a avec les dérivés, trois mille mots français qui peuvent ainsi venir aussi bien du celtique que du latin classique. Mais ce dernier n’est pas considéré comme le vrai père du français. On attribue généralement cet honneur au bas-latin, et l’on ne s’est pas suffisamment soucié d’établir l’origine de ce bas-latin. Or les éléments gaulois furent si nombreux dans la plèbe et les armées romaines que le bas-latin fut presque un patois celtique. Si nous disons chat, cheval, bague, sapin, c’est sans doute parce qu’on dit en bas-latin : cattus, caballus, baca et sapinus, mais c’est surtout parce qu’en celtique nos pères disaient : cattos, caballos, bacca et sapinos. Les mots de ce genre sont plusieurs milliers.

Il faut donc une fois pour toutes renoncer à dire « la