Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/393

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langue française est essentiellement latine et consentir à la qualifier de celto-latine.

Mais si dans les mots nous devons subir un peu de latinité, nous n’en voulons pas dans l’âme nationale, et les mots les plus latins se celtiseront pour chanter la gloire de la race celtique. En dépit des historiens négligents qui arrêtent au IIe siècle l’histoire de l’esprit d’indépendance gaulois, nous savons, nous, pour avoir lu Zozime, Rutilius, Saint-Prosper, Orose et vingt autres, nous savons que, tant que l’empire romain a été debout, pas une génération n’a passé sur le sol de la Gaule sans qu’une révolte vienne apporter la protestation de la nationalité gauloise. Nous savons que nos sommes les fils des Bagaudes qui, pendant un siècle et demi, ont lutté et sont morts pour l’empire gaulois. Nous ne voulons pas que ce miracle historique d’une lutte qui ne cessa qu’avec l’écroulement de la domination étrangère ait été vain. Nous nous en souvenons.

Et lorsqu’à travers les auteurs grecs et romains, nous voyons quelle fut la grandeur de la civilisation de nos ancêtres, quel fut leur héroïsme, lorsque dans les documents irlandais et gallois nous trouvons les légendes, les traditions, l’âme même de notre race, nous retrouvons aussi contre les Romains, qui ont privé notre pays d’un trésor pareil, la même colère qui devait agiter le paysan gaulois quand il voyait tomber la tête de ses chefs et de ses druides.

Qu’importe cependant en quelle langue nous pouvons connaître les exploits de nos pères ! Si on les avait contés en vieux celtique, il faudrait traduire ces récits, même pour les Irlandais et les Bretons, tant les langues évoluent.

La terre d’ailleurs est un autre livre : elle s’est ouverte pour montrer l’art et la science avec lesquels les Gaulois, inventeurs de la charrue et de la métallurgie, savaient forger leurs armes et ciseler leurs bijoux.

Et nous avons le Moyen Âge ! Le Moyen Âge qui vit disparaître les noms latins de nos villes, remplacés par les vieux noms celtiques, le Moyen Âge qui vit avec la féodalité les divisions territoriales de l’ancienne Gaule reparaître, sans que le moindre souvenir des provinces et de l’administration romaine subsistât. La mémoire des origines gauloises était si vivante que les grandes familles nobles voulaient à l’envi descendre d’un dieu gaulois ou d’une fée celtique. Tel les Bourbon, fils de Borbo, les Lusi-