Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’est à peine s’ils paraissent nous entendre. Sont-ils sourds, aveugles ?

— Non, répondit son guide. Ce sont simplement des Bretons. Il n’y a pas qui les fasse parler. Mais, par exemple, quand il s’agit de se battre, personne ne l’emporte sur eux… Et, la lutte terminée, on dirait qu’ils ne se souviennent de rien. Tranquillement, après un terrible corps à corps nocturne, ils retournent à leurs fossés et s’y couchent. Ou, s’ils n’ont pas sommeil, ils chantent à voix basse des airs de leur pays…

    4 juin, d’autres messages, par pigeons voyageurs, étaient parvenus au haut commandement pendant la journée du 27 :

    7 h. 10. — Bombardement violent a commencé sur réduit Quimper. Orangerie (à Pinon) prise et plateau de Chavignon. Sommes isolés. Résisterons jusqu’au bout.

    8 h.15. — La situation est la suivante : le 246e régiment d’infanterie ayant cédé, la compagnie de l’écluse, tournée sur sa gauche, se replie sur le réduit Romans où nous tiendrons le plus longtemps possible.

    11 heures. — Bataillons Muller et Pérès tiennent toujours forêt de Pinon et le bois Dherly avec bataillon Lascazes du 137e régiment d’infanterie ; ils organisent la défense et attendent d’être dégagés.

    Enfin ce dernier message, signé du commandant Muller et expédié à 15 heures 55 :

    « Nous tenons toujours dans le réduit Romans. Nous sommes complètement encerclés. Le centre de résistance à droite (bataillon Pérès) est pris de flanc et subit une pression extrêmement forte. Tout le monde a fait son devoir de la façon plus extrême, officiers et soldats. Il ne reste plus que le quart de l’effectif. Vous pouvez venir nous chercher : nous tiendrons encore une demi-journée. »

    En réalité, nous l’avons vu par la déclaration du commandant Pérès, le drame touchait à sa fin ; quelques minutes encore et le dernier barrage qui arrêtait la marée ennemie s’effondrait. La résistance héroïque de huit heures, les lourds sacrifices supportés par les hommes avaient obtenu du moins leur récompense : « Par leur farouche conduite à Pinon, écrira le critique militaire allemand Steggmann, les Bretons ont rendu difficile notre avance et permis à Foch de lancer ses réserves entre Soissons et Villers-Cotterets. »