Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/415

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Et, après une pause accordée à la réflexion, condensant sa pensée dans une formule qui sauvegardait à la fois son amour-propre et la vérité :

— Briton comme tirailleurs !

Oui, et Britons encore comme alpins, chasseurs, zouaves, coloniaux, qui sont, du reste pour une bonne part, d’anciens inscrits maritimes versés dans la « biffe ». La Bretagne est une mère si féconde qu’elle peut fournir à toutes les formations : dans quelle autre province trouverait-on dix frères Ruellan et onze frères Mercier sous les drapeaux ? La valeur du contingent breton, personne ne la conteste, non plus que son importance numérique. Mais il y a d’autres raisons, plus profondes peut-être, et que le subtil génie d’une femme pouvait seul dégager, à cette sympathie universelle qui entoure les soldats bretons :

« J’ai toujours été attirée et retenue par ces secrets et francs visages, m’écrivait Mme de Noailles. Dieu sait pourtant que nul homme de France ne m’est plus fraternel que ses compagnons, mais la Bretagne possède la poésie silencieuse qui teinte les beaux regards des soldats de chez vous. »

Que cela est finement senti ! Cette poésie silencieuse a un nom : elle s’appelle la pudeur. Une vertu qui explique bien des choses et notamment que les régiments bretons aient été les derniers de tous à recevoir la fourragère. Je doute pourtant qu’ils s’en soient plaints. « Ces Bretons, disait un officier, ils ont toujours l’air de demander pardon de ce qu’ils ont fait. » Tel ce Le Guennec, seul survivant de la garde du drapeau, et qu’il fallait réconforter, rassurer contre les suites de son acte héroïque, quand, après avoir erré pendant deux jours et deux nuits dans les lignes ennemies, il tomba d’épuisement,