Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/42

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On n’a pas assez remarqué cependant que le maître d’œuvre chargé de la construction du calvaire de Plougastel y avait employé des pierres de couleurs différentes : les personnages, les colonnes et le linteau de l’autel sont en granit gris de Kersanton[1] ; le reste de l’édifice est en granit jaune. Et le curieux est qu’après trois siècles le ton des pierres n’a pas changé. Voilà qui aurait dû faire réfléchir certains architectes contemporains : j’ai toujours pensé que si Charles Garnier, au lieu de bâtir l’Opéra en marbre, l’avait bâti en granit de couleurs variées, la pluie et les brumes du ciel parisien eussent respecté sa polychromie, qui n’est plus qu’un souvenir. C’est que le marbre est fait pour le soleil ; la pluie le décolore : elle donne, au contraire, des tons plus vifs au granit.

C’est ce qui s’est passé à Plougastel. On ne saurait attribuer à une raison d’économie l’adoption d’une pierre de qualité inférieure pour une partie du monument : car nous sommes, ici, à deux pas des fameuses carrières de Logona-Daoulas d’où s’extrait le kersanton, ce Paros des carrières bretonnes. En outre, tant par ses dimensions que par le nombre des personnages sculptés sur ses entablements et ses frises, ce calvaire est incontestablement le plus riche des calvaires bretons. Les principes et l’ordonnancement en ont été discutés. Je me range volontiers à l’avis d’un bon juge, Gustave Geffroy[2] :

« L’architecture de ce calvaire, dit-il, est massive et simple. Sur une plate-forme en maçonnerie percée d’arcades, avec une voûte principale dans un

  1. Sauf le Christ du calvaire pourtant, deux ou trois statuettes et quelques chapiteaux de colonnes.
  2. La Bretagne, Paris, 1905.