Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/51

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AR MARO
A zo eur moment terrubl
Evit ar bec’herien
Galvet in ractal dirag
Ar Barner souveren[1]

Variante bretonne du Mane, Thecel, Pharès et qui flamboie sur bien d’autres murs qu’ici ! Comment ce peuple, nourri de si graves enseignements, ne serait-il pas dévot dans l’âme ?

Mais sa dévotion, pour profonde soit-elle, ne l’a pas assombri. Les gilets et surgilets du costume masculin, les corsages et les tabliers des femmes, les bonnets des enfants, le luren même (bandelettes) des bébés au maillot, déroulent toute la gamme du prisme, chantent sur tous les tons la joie de vivre. Ce peuple est le plus ardent des coloristes. Et c’en est aussi le plus raffiné. Les violets, les verts, les rouges, les jaunes vifs, qui formeraient ailleurs le plus adultère mélange, se juxtaposent et se combinent sur lui harmonieusement. Il porte cet amour de la couleur jusque dans son mobilier et ses ustensiles de ménage. Vous ne trouverez qu’à Plougastel ces cuillers en buis incrustées d’étain, sculptées de motifs rouges et verts, avec des cœurs creusés dans le manche, tapissés d’étoffe à fleurs et recouverts d’un petit carreau. Et vous ne trouverez encore qu’à Plougastel ce luxe de bols, d’assiettes et de plats en faïence peinte et dorée qui chargent les vaisseliers et qui, remarquez-le, ne remplissent qu’un rôle décoratif. On ne s’en sert jamais. Toute cette vaisselle est exclusivement pour la montre, pour le régal des

  1. « La Mort est un moment terrible pour les pécheurs appelés à comparaître devant le souverain Juge. »