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— Une femme de marin… Elle est sans nouvelle de son homme depuis six mois. Elle avait mis son dernier espoir dans l’arbre des âmes ; puisqu’il ne lui est pas resté au prix maximum qu’elle s’était fixé et qui excédait déjà ses ressources, c’est que l’homme ne reviendra pas. On ne peut s’engager avec les morts que pour le compte des vivants[1].


VIII

LES FRAISIÈRES DE PLOUGASTEL.


Et les fraises ? me direz-vous. Patience, j’y arrive.

Car on ne nous avait pas trompés ; la fraise de Plougastel n’est pas un mythe, mais sa culture n’occupe pas tout le territoire de la péninsule. Ni sur la rive de l’Elorn, ni sur les plateaux de l’intérieur, où l’abri lui manque, on ne la voit arrondir son joli

  1. M. A. Le Braz, dans sa Légende de la Mort chez les Bretons armoricains, a donné, d’après Amédée Creac’h, de l’Auberlac’h, une version un peu différente de la coutume du bara an anaon et du guezen an anaon. Et il se peut bien, en effet, que la coutume subisse quelques changements d’une section à l’autre.

    « Le soir de la Toussaint, dit M. Le Braz, les membres de chaque frairie se réunissent chez l’un d’eux pour y célébrer le rite suivant : la table de la cuisine est garnie d’une nappe sur laquelle s’étale une large tourte de pain, fournie par le maître de la maison. Au milieu de la tourte est planté un petit arbre portant une pomme rouge à l’extrémité de chacun des rameaux. Le tout est recouvert d’une serviette blanche. Lorsque la frairie est rassemblée autour de la table, le maître de la maison, en qualité d’officiant, commence les prières des défunts, répondu par les assistants. Puis, les prières dites, il enlève la serviette, coupe la tourte de pain en autant de morceaux qu’il y a de membres dans la frairie et met ces morceaux en vente au prix de deux, de quatre et même de dix sous l’un. Celui des membres de la frairie qui n’achèterait pas son « pain des âmes » (bara an anaon) encourrait la malédiction de ses parents défunts. Rien ne lui prospérerait plus. L’argent ainsi récolté est consacré à faire dire des messes et des services pour les trépassés. Quant à l’arbre aux pommes rouges, symbole de la breuriez, dont il porte, du reste, le nom, la personne chargée de fournir le pain l’année d’après le vient quérir en grande pompe, dès que la nuit est proche, et dispose à son gré des fruits dont il est paré, en attendant de les remplacer par d’autres. »