Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/103

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et de je ne sais où, peut-être bien Buhors de Landrellec ou de Keraliès, tiens ! Et le plus fort, c’est que ce sont les nobles qui l’ont envoyé à la Chambre. Tout de même drôle qu’on soit allé choisir pour représenter la légitimité ce fils de jacobin enrichi, voleur de terres et coupeur de têtes. Ah ! misère de sort ! Si son père vivait et si je le tenais là, sous ma main !…

Il tremblait de tous ses membres ; il voyait rouge. C’était au fond si nouveau pour lui, cette révélation de leur ancienne prospérité ! Élevé à la dure, dans l’accoutumance d’un présent misérable, sans autre fortune que le manoir paternel et les quelques champs dont il vivait, jamais il ne s’était transporté en deçà pour réfléchir au passé. Il savait, de notion vague, que les siens étaient nobles et avaient possédé de grandes terres. Bozec le lui avait dit. Mais ces temps de prospérité disparaissaient pour lui dans un lointain de légende. C’est la privation qui fait le regret. N’ayant jamais été riche, il restait froid à la perte d’une richesse qu’il n’avait pas connue. Le passé ne lui parlait pas ; il l’imaginait comme une sorte de grand trou noir où dormaient confusément les siècles et les minutes. Il en est presque toujours ainsi