Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/107

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Il s’était habitué à ce rêve ; il l’avait caressé à l’aise, chaque jour, chaque nuit, depuis que Francésa lui avait marqué sa soumission et renoncé à Thomassin. Il lui arrivait, parfois, à la lisière de ses champs, d’entrer sur le domaine de Le Coulz, comme chez lui, et d’y rester à compter les pieds d’arbres et à supputer le rapport de la tenue, morceau par morceau… Eh bien ? C’était vrai ; c’était à son père, c’était à lui, on les lui avait volés, ces arbres, le rapport de cette tenue. Et après ? La loi avait consacré tout cela. Qui se doutait de la spoliation ? Le Coulz lui-même en savait-il le premier mot ? À quelle chimère de famille, à quelle rancune rétrospective et sotte, lui, Prigent, il allait sacrifier ses intérêts les plus chers. Eh ! il se doutait bien, il s’était toujours douté qu’on avait volé sa famille. Les voleurs étaient morts ; qu’y pouvaient les fils ? Et puis, il y avait si longtemps !… Sa colère s’en allait peu à peu, se réduisait comme une eau surchauffée. Il songeait ; il se prenait à l’idée d’une entente possible, d’un arrangement qui ne compromettrait point ses intérêts et sauverait les apparences.

— C’est peut-être à voir, c’est peut-être à