Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/15

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L’ivrogne n’avait pas dû réfléchir à la portée de sa question. Il sommeillait aux trois quarts. Mais son inconscience n’était point telle encore qu’il ne pût remarquer l’éclair tragique qui, au nom de « Loïz », traversa les yeux de Coupaïa. Il sentit son imprudence, voulut s’expliquer. Coupaïa ne lui en laissa pas le temps.

— Va te coucher ! Va te coucher ! lui cria-t-elle. Tu n’es bon qu’à boire et à dormir.

Elle l’enleva du banc, le jeta sur le lit-clos, où il ronfla tout de suite. Il s’était rencogné machinalement dans la ruelle pour laisser une place à sa femme ; mais Coupaïa n’était point d’humeur à se coucher et, au coin des cendres, elle veilla la nuit entière, roulant ses pensées. À l’aube, Salaün sauta du lit. Sa tête gonflée et confuse n’avait gardé aucun souvenir de la scène précédente. Il avait faim, et il alla sans penser à la huche. Et là, tout à coup, devant le coffre vide, la mémoire lui revint et il se tourna vers sa femme.

— Alors c’est vrai ? dit-il.

Et Coupaïa, sans lever les yeux, répondit seulement :

— Oui, tout bu, tout mangé.

Elle avait repris sa passivité habituelle.