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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/160

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après l’autre Saint-Pol-de-Léon, Dol, Lesneven, Guérande, Tréguier. C’étaient les villes saintes de Bretagne. Les heures y sonnaient un autre âge, d’autres croyances ; le pas s’étouffait, dans les rues, sur l’herbe qui ouatait la chaussée ; on avançait entre de hauts murs de communautés dont l’ombre vous suivait jusqu’au cœur de la ville, où s’épanouissait la cathédrale, merveille de sveltesse, de force et de grâce, qui semblait avoir absorbé tous les sucs spirituels de ces terres de silence pour en composer un mystique hosanna de pierre… Aujourd’hui les murs croulent ; la cathédrale s’effrite, la collégiale penche. Le cœur de la ville est toujours à la même place, mais il ne bat plus, ou, s’il bat, ce n’est plus à son rythme que s’accorde la vie de la cité. Entre le temporel et le spirituel, le divorce est bien définitivement consommé.

Il l’est même à un point dont ne se doute certainement pas M. Lasserre et dont je ne me doutais pas plus que lui avant d’avoir assisté, il y a trois ou quatre ans, en simple curieux, avec mon ami Georges de Lys, à la grande fête patronale de saint Yves.

Ce saint Yves, c’est notre saint national à nous autres Bretons. De plus grand saint que lui, il n’y en a pas dans le ciel, dit un cantique, et, s’il n’est pas le bon Dieu, c’est sans doute qu’il ne l’a pas voulu. La justice humaine est sujette à faillir : celle de saint Yves jamais. On ne cite point un cas où ce redresseur de torts n’ait vu clair et prononcé en connaissance de cause dans les litiges les plus embrouillés, car, même mort, il continue à rendre des arrêts. Justice silen-