Aller au contenu

Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cimetière, dans le fossé, d’où il braque sur nous sa sébile comme une escopette, un stropiat à figure de bandit romantique, ivre du reste comme toute la Pologne, goguenarde :

— Saint Yves ? Il n’est pas plus puissant qu’un autre !… Et la preuve c’est qu’il a laissé brûler sa maison !…

Nous avons, depuis, entendu quelque chose d’analogue à la Chambre, quand Barrès interpellait sur les églises. Ces anticléricaux trégorrois n’ont plus rien à apprendre et leurs mendiants eux-mêmes raisonnent comme M. Beauquier. Cependant, sortez de la ville, franchissez le Jaudy, pénétrez sur le territoire de Trédarzec, obliquez à gauche et suivez, le long du fleuve, ce sentier de blaireau qui, après avoir contourné une enfilade de maisons basses et proprettes appartenant à des retraités de la marine, s’ombrage un moment de beaux châtaigniers, grimpe au flanc d’une genetaie tendue de blanc, comme pour quelque Fête-Dieu, par les ménagères qui y font essorer leur lessive, plonge dans la fraîcheur d’une petite combe moussue et toute sonore du caquet des lavandières prochaines, puis reprend son escalade solitaire et débouche, en face même de Tréguier, au hameau de Porz-Bihen. Avant d’emprunter l’échalier d’accès, faites halte près de ces ormes : le champ que vous foulez est sacré. Il affecte la disposition d’un trapèze ; rien ne le distinguerait à première vue des champs voisins ; les levées de pierres sèches et de terre qui le bordent, sauf au levant, sont couvertes d’un manteau uniforme de ronces, de