Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/162

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ment. Mais comme on la lui fait payer, cette concession, et de quel air ironique et supérieur tous ces boutiquiers, sur le pas de leur porte, regardaient passer la théorie bêlante des pèlerins !

Au Minihy, sur le tombeau du saint, des mendiantes de la ville débitaient, à raison d’un sou la coquillée, de ces petits fragments de quartz provenant du chemin que suivait à Louannec le bon Yves Hélory quand il lisait son bréviaire et qu’on appelle encore là-bas hent ar zant, le chemin du saint. Jetez-les dans vos allées : vous marcherez dans les voies du juste ; dans vos champs : ils les purgeront de l’ivraie. Superstition, direz-vous, mais si charmante ! Cependant le « pardon » touche à sa fin ; les mendiantes, tout à l’heure si papelardes, rient, plaisantent, et, voyant deux « Parisiens » (tous les étrangers en Bretagne sont des Parisiens et tous les Parisiens passent pour sceptiques), veulent se montrer « à la hauteur ». Les cailloux ? Leur vertu ? expliquent-elles à mon compagnon et à moi. La bonne blague ! Comme si, depuis qu’on exploite le hent ar zant, il y restait encore des cailloux ! Ceux-ci viennent tout simplement de la grève voisine. Et allez donc : il n’y a que la foi qui sauve !

Et, tout de même, ces pierres de mensonge sur le tombeau du saint de la Vérité !…

La foi, personne ne l’a plus ici — que les prêtres et les pèlerins. Tout ce peuple qui vit de l’autel, bourgeois, artisans ou mendiants, se moque crûment de l’autel. Un incendie, il y a quatre ans, a consumé le manoir patrimonial du saint, et, près de l’échalier du