Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/169

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dans le grenier du presbytère. Maintes histoires singulières courent à ce propos dans le pays. Elles ne seraient pas à leur place ici[1]. Ce qui paraît constant,

  1. Comment ne pas transcrire cependant l’édifiant récit que me faisait l’an passé, sur l’emplacement même de l’ossuaire, un vieux maçon du nom de Laz-Bleiz, domicilié à Porz-Bihen ? « L’ossuaire de saint Yves-de-Vérité, dépendant d’une ancienne chapelle de Saint-Sul, démolie sous la Révolution, avait environ quatre mètres carrés. C’est M. Kerlo, recteur, qui en ordonna la démolition après entente avec Mlle Pécault, propriétaire. Les matériaux furent acquis par l’antiquaire Picard, du Minihy. M. Ambroise Thomas, en 1896, se servit de ces matériaux pour la chapelle qu’il fit construire (ou restaurer) dans l’île d’Iliec : l’autel qui se trouve dans cette chapelle et qui est supporté par des piliers en pierre de taille provient de l’oratoire de saint Yves et j’ai donné moi-même la main à son transfert et à sa mise en place. M. Kerlo devait payer cher sa témérité. Les pèlerines qui fréquentaient à Saint-Yves-de-Vérité n’étaient pas femmes à se laisser abattre par une décision ecclésiastique. L’oratoire démoli, elles s’enquirent de ce qu’on avait fait de la statue du saint et, ayant appris qu’on l’avait transportée dans l’église de Trédarzec, elles se rendirent dans cette église et firent clandestinement leurs adjurations, Elles osèrent plus. Deux d’entre elles, qu’on croit être du Goëlo, demandèrent au recteur de dire une messe à saint Yves-de-Vérité pour obtenir la condamnation d’un homme qu’elles lui avaient voué. M. Kerlo s’emporta, les traita de « charognes » et de « ruzerès » (mot breton sans analogie dans notre langue et qui correspond à peu près au mot « coureuses », mais avec cette nuance qu’il indique un glissement des pieds). « C’houi ruzo ié », répondirent-elles à l’abbé Kerlo. Autrement dit : « Vous traînerez aussi la jambe. » Et, pendant trois ans en effet, un rhumatisme aussi soudain que miraculeux le contraignit de marcher en « ruzant ». Ce ne fut pas tout. Au bout de ces trois ans, on revit les deux pèlerines. C’était un dimanche de grand matin, le 17 novembre 1889. « L’abbé Kerlo est-il mort ? demandèrent-elles, – Non, il se porte même assez bien, leur répondit-on. – Il est donc temps qu’il mette sa conscience en règle », répliquèrent-elles. Ce disant,