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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/173

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suivant la tradition, Catherine Le Corre songeait à recourir à une variété de ce même rite. »

Je n’en suis pas aussi sûr que M. Jobbé-Duval. Catherine dit : « Va à la messe ; » elle ne dit point : « Commande une messe. » Et le tout n’était point, en effet, de commander une messe à saint Yves-de-Vérité : il eût fallu trouver un prêtre pour la dire. Or, en 1882 tout au moins, ce prêtre ne se fût pas rencontré, même à l’état d’exemplaire unique, dans tout le clergé bas-breton, mis en garde depuis longtemps contre les pièges tendus à sa bonne foi par des chrétiens peu scrupuleux. Et ce qui prouve l’exactitude de cette interprétation, c’est que Marguerite ne se rendit pas aux conseils de la vieille pèlerine ; elle n’y vit avec raison qu’une échappatoire. Nous voici au nœud de la crise. Catherine, si elle avait mieux lu dans l’âme de ses hôtes, pouvait encore sauver Philippe au prix d’un léger mensonge : il eût suffi qu’elle se montrât moins décourageante, qu’elle ne leur fermât pas tout espoir ; d’arriver jusqu’au Justicier. Cet espoir leur étant ôté et les scandaleuses manœuvres du clergé ayant provisoirement suspendu le cours de la justice céleste, Marguerite et son mari (je continue de suivre pas à pas l’acte d’accusation) décidèrent de passer outre et de substituer, dans le châtiment du parjure, leur action personnelle à celle de saint Yves empêché. D’assassins vulgaires, ils s’élevaient ainsi à la dignité de ministres du Très-Droit ; ils n’assouvissaient pas une vengeance personnelle : ils tuaient pour le compte du Justicier, sur ses ordres et en son nom.