Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/175

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je à ma visite une secrète prévention et peut-être aussi les drames qu’ils couvèrent laissent-ils leurs stigmates sur certains édifices : le fait est que je trouvai un accent tragique à ces pierres d’un brun roux, couleur de sang séché, comme la litière de la cour, comme le clayonnage de la grange. Rien ici de la grâce bretonne. Les murs sont nus, sans la plus petite frise de verdure, sans cet aimable quadrillage de chaux vive qui relève ailleurs la sévérité du granit et donne comme un air de candeur aux façades les plus décrépites. Et il n’est pas jusqu’au puits, bas, carré, trapu, qui n’ait quelque chose de déprimé. Mais c’est la grange qu’il faut voir : encapuchonnée de chaume pourri et toute de guingois sur ses jambes comme une vieille ivrognesse, elle porte un étage qui ouvre de plain-pied par derrière sur le liorz, grand champ d’un hectare, plus élevé que la cour et servant d’aire au moment de la moisson. En 1882, cet étage n’avait pas de clôture : les assassins, tapis sous la paille d’une meule voisine ou rasés derrière l’épaulement du talus, purent épier tout à l’aise leur victime et surveiller en même temps la route et les abords du convenant. Vers minuit, quand les dernières rumeurs se furent éteintes avec les dernières clartés et qu’il n’y eut plus que le vent et la pluie à troubler le silence nocturne, l’homme se détacha, rampa jusqu’à la grange dans « le sol boueux », où l’enquête releva plus tard les empreintes de ses genoux, se jeta sur Philippe et, d’une seule main, l’étrangla. « D’un côté du cou et parfaitement évidentes, dit le rapport médical, se trouvaient quatre