Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/176

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marques de doigts, de l’autre côté la marque du pouce. » Si foudroyante fut l’attaque que la victime, d’après l’acte d’accusation, ne put « faire un mouvement ». De vulgaires criminels s’en fussent tenus là. Ceux-ci n’avaient encore exécuté que la moitié de leur tâche, et le saint qui avait armé leur bras et favorisé leur entreprise exigeait maintenant qu’un signe, une marque quelconque, authentiquât sa vengeance et servît de leçon aux parjureurs à venir : et c’est pourquoi, au risque d’être surpris dans l’accomplissement de leur sinistre besogne, malgré la lune qui s’était levée et qui éclairait la scène « comme en plein jour[1] », les assassins traînèrent le corps de la victime jusqu’à la charrette qui avait, la veille, apporté son blé au convenant et l’y crucifièrent, après l’avoir bâillonnée. Ce supplice posthume, dit en toutes lettres l’acte d’accusation, « était la réalisation de leurs menaces et de leurs vœux : le bras qui s’était levé, à leur dire, pour prêter un faux serment demeurait étendu ; la bouche qui l’avait prononcé était bâillonnée. »

— Vois donc, disait plus tard Marguerite à sa tante la femme Lasbleiz en lui montrant le cadavre ; il a tellement juré à faux que sa bouche en est restée tordue !

Elle n’ajoutait pas, mais elle le pensait : « Cela aussi c’est la signature du saint. » Au petit jour, Yves-Marie sella sa jument et partit pour Ploezal, où il travaillait

  1. Déposition de la veuve Bomboni, couturière à Hengoat. V. plus loin.