Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/186

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résiste, anticipant sur les arrêts du Justicier de Trédarzec et continuant la tradition de ces étranges chrétiens à mentalité de pandours qui, selon Renan et peut-être dans le même sanctuaire, s’en venaient trouver avec un forgeron et des fers rougis au feu le saint préposé à la guérison des fièvres et lui disaient : « Si tu ne tires pas la fièvre à cet enfant, je te ferre comme un cheval ! »

… À bien considérer, le cas de Coupaïa Salaün est aussi fortement représentatif que celui d’un Léopold Baillard ; il manifeste à sa façon, qui est celle des primitifs, les ravages que peut causer la déviation du sentiment religieux dans une âme naturellement frénétique, renfermée et jalouse ; on y assiste à la même poussée sourde des vieilles superstitions païennes qui continuent de sommeiller au fond de la conscience populaire en Bretagne comme autour de la colline de Vaudémont. Si leurs réveils ne sont pas plus fréquents, c’est à la forte discipline de l’Église qu’on le doit. Que le clergé ne soit plus là pour sarcler cette flore malsaine à mesure qu’elle reparaît à la surface, et elle aura bientôt tout envahi ; suivant le mot de Barrès, tous les délires s’épanouiront et des places désignées pour être des lieux de perfectionnement par la prière deviendront des lieux de sabbat.

20 mai 1914.

PARIS. — TYPOGRAPHIE PLON, 8, RUE GARANCIÈRE. — 1927. 35161.