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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/185

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crime. J’en reçus cependant une impression si profonde que, dès ce moment, je fus hanté par l’idée d’essayer une interprétation raisonnable ou à tout le moins plausible de la conduite des assassins ; ce que n’avait pu faire l’enquête judiciaire, je voulais le faire sur des personnages fictifs de même formation et tâcher de pénétrer dans l’âme de ces êtres rongés de superstition, de jalousie et d’alcool, pour reconstituer le processus de leur chute. Quelques années plus tard, je publiai mon livre dans l’état où il reparaît aujourd’hui. Et ce n’est pas que la tentation ne me soit venue, en revoyant les épreuves, d’atténuer la crudité de certains épisodes ou de creuser davantage certains caractères de second plan, comme celui de Môn-ar-Mauff et celui de Cato Prunennec : ce qu’ils pouvaient avoir de conventionnellement moyenâgeux pour un lecteur mal averti paraîtra d’un romantisme bien inférieur à la réalité maintenant que le lecteur connaît la véritable histoire du Crucifié et peut mettre un nom de la vie sous chacun ou presque des héros de ma fiction. Que sont mes deux vieilles sibylles auprès de la demi-douzaine de mentons en galoche qu’on croise à tous les coins de l’affaire d’Hengoat, pèlerinant au crépuscule, sous leur capuchon de veuves, par les chemins creux du Trégor, pour demander la mort de Philippe ou la délivrance de ses assassins ? De quelles profondeurs de la conscience armoricaine sortent tous ces nocturnes effarouchés par la subite projection de l’instruction judiciaire ? Et que ma Coupaïa surtout est pâle près de la fière Marguerite violentant le ciel qui lui