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Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/26

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Il s’habitua peu à peu à cette protection enveloppante et douce ; dans l’ivresse, il la reconnaissait bien, lui parlait comme à une amie, et si, par hasard, il s’était attardé dans une auberge étrangère, à ne plus l’avoir là pour le remettre en chemin, lui chasser les bouffées chaudes de l’eau-de-vie, il s’agitait, grognait et murmurait son nom avec des hoquets plaintifs : « Coupaïa… Coupaïa… » C’est ainsi qu’il fut amené à la prendre pour femme.

Dans cette triste Bretagne, l’ivrognerie, à force d’être le vice de tous, n’est plus un vice pour aucun ; si elle ne ruine pas le ménage, qu’elle ne soit pas quotidienne, la femme s’en accommode d’avance chez son mari. Salaün ne buvait pas encore sur la semaine ; sa mère n’était point morte, et il travaillait aux champs avec elle. C’est pour cela aussi que l’idée de prendre Coupaïa pour femme ne lui vint pas tout de suite. D’abord, sa mère morte, ses champs vendus, il délibéra de s’établir à Pleumeur pour être plus près d’elle. Mais il arriva qu’au même moment la vieille tante de Coupaïa mourut. Restée seule avec les quelques sous de l’héritage, Coupaïa parla de se placer à Lannion ; Salaün fut effrayé ; il lui offrit d’entrer à son