Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

saches tout de suite… Il y a… il y a que nous n’avons plus de pain et que le boulanger ne veut plus nous faire crédit.

Le douanier posa son fusil contre l’échauguette et regarda Salaün.

— Asseyons-nous, Yves-Marie, dit-il. Mes collègues sont à parer le canot ; personne ne nous entendra.

Sur les varechs, dans la petite cour du corps de garde, ils croisèrent leurs jambes à la façon des tailleurs. La grève, toute nue, toute blanche, dormait dans la lumière montante.

— Écoute, Yves-Marie, dit Thomassin, je ne t’ai jamais fait de reproches. Ta vie, tu l’as menée comme tu l’entendais. Les affaires de chacun sont ses affaires et il n’y faut point mettre le nez. Tout de même, peut-être qu’avec toi un bon conseil, de temps à autre, ne serait pas de trop…

Salaün ne répondit pas. Thomassin reprit plus gravement :

— Au train dont tu vas, il n’y a pas de fortune qui durerait. Tu as bu toute ta part d’héritage ou presque, car, pour la maison qui te reste à Morvic, elle ne paierait seulement pas tes dettes d’auberge. Tu ne dessaoules plus.