Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/38

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Thomassin et la rebouteuse ne l’avaient point entendue venir et continuaient de causer. Que complotaient-ils dans les ténèbres, sous ce croissant pâle que rayait la fuite des nuées ? Coupaïa tendait l’oreille, mais les phrases ne lui arrivaient que hachées ; elle entendit pourtant le nom de Francésa. Le nom fut répété deux ou trois fois encore. D’instinct, et quoique commun à plusieurs filles de la paroisse, sa pensée alla droit à Francésa Prigent ; elle la connaissait, elle l’avait vue à Pleumeur l’an d’avant, à la procession, qui portait, avec trois autres jeunes filles, sur une petite claie de velours blanc, la statue de Notre-Dame. Elle l’avait vue aussi à Keraliès, travaillant au manoir, chez son père Prigent. Francésa était fille unique, jolie, riche, et les anciens la disaient de famille. Que venait faire son nom sur ces bouches démoniaques ? Elle vit la vieille qui ouvrait la main et perçut un bruit d’argent. Au loin, un chien égaré hurlait à la lune. La rebouteuse et le douanier se levèrent. N’avaient-ils plus rien à se communiquer ? Quelque bruit était-il arrivé jusqu’à eux ? Sur la dune, Môn se dressa, huma le vent, et, à voix haute : « Les chardons sont traîtres… La dune a des