Page:Le Goffic - Le Crucifié de Keraliès.djvu/46

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mais pas plus qu’à son père monsieur, on ne lui disait mademoiselle. Son éducation aussi avait été d’une paysanne. Quand elle eut six ans, on l’envoya avec les autres petites de Keraliès à Pleumeur, à l’école des Sœurs blanches. Toutes ensemble, le matin, elles partaient, en chantant des cantiques, un panier sous le bras, qui contenait leurs provisions de la journée, et elles ne revenaient qu’avec les étoiles. Et quand elle eut ses douze ans, comme elle était forte et pouvait rendre des services, son père la retira de l’école. Elle savait lire, écrire et compter : c’est tout ce qu’on demandait aux filles de bonne maison en ces temps-là.

Dès lors, elle vécut toute de la vie rurale, doubla sa mère dans les travaux d’intérieur, filant au rouet, tillant le chanvre, ourlant les draps, trayant les vaches et les menant à l’abreuvoir. Elle ne chômait que le dimanche avec toute la maisonnée. On entendait la grand’messe à Pleumeur ; au retour on mangeait la soupe fraîche, un peu de lard, du kiksaezon[1] et du pain blanc (les autres jours étant repas de bouillie, de pommes de terre, de pain bis ou

  1. Viande de vache fumée.